top of page

Source : Google Images

De l'efficacité de la prière

"Nous nous mettons à vouloir, dans le temps,

ce que Dieu voulait pour nous de toute éternité."

La parole de l’Evangile demeure :

« Demandez et vous recevrez, cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira ». – La prière, en effet, n’est pas une force qui aurait son premier principe en nous, ce n’est pas un effort de l’âme humaine, qui essaierait de faire violence à Dieu, pour lui faire changer ses disposi­tions providentielles. Si l’on parle ainsi quelquefois, c’est par métaphore, c’est une manière humaine de s’exprimer.

En réalité la volonté de Dieu est abso­lument immuable, mais c’est précisément dans cette immutabilité qu’est la source de l’infaillible efficacité de la prière. C’est au fond très simple : la vraie prière par laquelle nous demandons pour nous, avec humilité, confiance et persévérance, les biens nécessaires à notre sanctification, est infailliblement efficace, parce que Dieu, qui ne peut se dédire, a décrété qu’elle le serait, et parce que Notre-Seigneur nous l’a promis. (IIa IIae, 83, 15).

Un Dieu qui n’aurait pas prévu et voulu de toute éternité les prières que nous lui adressons, c’est là une conception aussi puérile que celle d’un Dieu qui s’inclinerait devant nos volontés et changerait ses desseins.

Non seulement,tout ce qui arrive a été prévu et voulu ou tout au moins permis d’avance par un décret providentiel, mais la manière dont les choses arrivent, les causes qui produisent les événements, tout cela est fixé de toute éternité par la Providence.

Dans tous les ordres, physique, intellectuel et moral, en vue de cer­tains effets, Dieu a préparé les causes qui les doivent produire.

Les prévenances de Dieu :

Pour les moissons matérielles, il a préparé la semence ; pour féconder une terre desséchée, il a voulu une pluie abondante ;

pour une victoire qui sera le salut d’un peuple, il suscite un grand chef d’armée ;

pour donner au monde un homme de génie, il a pré­paré une intelligence supérieure, servie par un cerveau mieux fait, par une hérédité spéciale, par un milieu intellectuel privilégié.

Pour régénérer le monde aux périodes les plus troublées, il a décidé qu’il y aurait des saints.

Et pour sauver l’humanité, dès toujours la divine Providence avait préparé la venue du Christ Jésus.

Dans tous les ordres, du plus infime au plus élevé, en vue de certains effets, Dieu dispose les cau­ses qui les doivent produire. Pour les moissons spi­rituelles comme pour les matérielles, il a préparé la semence, et la moisson ne s’obtiendra pas sans elle.

Qu'est-ce que la prière ?

Or, la prière est précisément une cause ordon­née à produire cet effet, qui est l’obtention des dons de Dieu, nécessaires ou utiles au salut. Toutes les créatures ne vivent que des dons de Dieu, mais la créature intel­lectuelle est seule à s’en rendre compte. Les pierres, les plantes, les animaux reçoivent sans savoir qu’ils reçoivent.

L’homme, lui, vit des dons de Dieu, et il le sait ;

si le charnel l’oublie, c’est qu’il ne vit pas en homme ;

si l’orgueilleux ne veut pas en convenir, c’est qu’il n’y a pas de pire sottise que l’orgueil.

L’exis­tence, la santé, la force, la lumière de l’intelligence, l’énergie morale, la réussite de nos entreprises, tout cela est le don de Dieu, mais par-dessus tout la grâce, qui nous porte au bien salutaire, nous le fait accom­plir, et nous y fait persévérer.

Pourquoi faut-il prier ?

Faut-il s’étonner que la divine Providence ait voulu que l’homme, puisqu’il peut comprendre qu’il ne vit que d’aumônes, demandât l’aumône ? Ici comme partout Dieu veut d’abord l’effet final, puis il ordonne les moyens et les causes qui le doivent produire. Après avoir décidé de donner, il décide que nous prierons pour recevoir, comme un père, résolu d’avance d’ac­corder un plaisir à ses enfants, se promet de le leur faire demander.

Le don de Dieu voilà le résultat, 1a prière voilà la cause ordonnée à l’obtenir ; elle a sa place dans la vie des âmes pour qu’elles reçoivent les biens nécessaires ou utiles au salut, comme la chaleur et l’électricité ont leur place dans l’ordre physique.

Jésus, qui veut convertir la Samaritaine, lui dit, pour la porter à prier : « Si tu savais le don de Dieu, c’est toi qui m’aurais demandé à boire, et je t’aurais donné de l’eau vive… jaillissant en vie éternelle ».

De toute éternité, Dieu a prévu et permis les chutes de Marie-Madeleine, mais il a ses desseins sur elle, il veut rendre la vie à cette âme morte ; seulement il décide aussi que cette vie ne lui sera rendue que si elle le désire, que l’air respirable ne sera rendu à cette poitrine, que si cette poitrine veut s’ouvrir, que si Made­leine veut prier, et il décide aussi de lui donner une grâce actuelle très forte et très douce qui la fera prier.

Voilà la source de l’efficacité de la prière. Soyez sûrs que lorsque Madeleine aura prié, la grâce sanctifiante lui sera donnée, mais soyons surs aussi que sans cette prière elle restait dans son péché.

Il est donc aussi nécessaire de prier pour obtenir les secours de Dieu dont nous avons besoin pour, observer la loi divine et y persévérer, qu’il est nécessaire de semer pour avoir du blé.

Importance de la prière

Ne disons donc pas de : « Que nous ayons prié ou non, ce qui devait arriver arrivera Â» : ce serait aussi absurde que de dire : « Que nous ayons semé ou non, l’été venu, si nous devons avoir du blé, nous en aurons Â». La Pro­vidence porte non seulement sur les résultats, sur les fins, mais aussi sur les moyens à employer, et elle sau­vegarde la liberté humaine par une grâce aussi douce qu’elle est forte, « fortiter et suaviter Â».

« En vérité, en vérité, je vous le dis, ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, Il vous le donnera Â».

La prière n’est donc pas une force débile qui aurait son premier principe en nous. La source de son effica­cité est en Dieu et dans les mérites infinis de Jésus-­Christ. C’est d’un décret éternel de Dieu qu’elle des­cend, c’est de l’amour rédempteur qu’elle provient, c’est à la miséricorde divine qu’elle remonte. Un jet d’eau ne peut s’élever que si l’eau descend d’une même hauteur.

Que se passe-t-il dans la prière ?

De même quand nous prions, il ne s’agit pas de per­suader Dieu, de l’incliner, de changer ses dispositions providentielles ; il s’agit seulement d’élever notre volonté à la hauteur de la Sienne, pour vouloir avec Lui ce qu’il a décidé de nous donner : les biens utiles à notre sanc­tification et à notre salut.

La prière, loin de tendre à abaisser le Très-Haut vers nous, est donc une élévation de notre âme vers Dieu. Denys compare l’homme qui prie au marin qui, pour aborder, tire sur le câble fixé au rocher du rivage. Ce rocher, qui domine les eaux, est parfaitement immobile ; pourtant, pour celui qui est dans la barque, il semble que ce soit le rocher qui avance : en réalité c’est la barque seule qui bouge. De même il nous semble que ce soit la volonté de Dieu qui s’incline en nous exauçant, c’est la nôtre seule qui monte ; nous nous mettons à vouloir, dans le temps, ce que Dieu voulait pour nous de toute éternité.

Fr. Reg. Garrigou-Lagrange, O. P.

http://www.salve-regina.com/salve/L'efficacit%C3%A9_de_la_pri%C3%A8re

bottom of page